ARMEE-JAPON

ARMEE-JAPON

L’INTERNEMENT DES JAPONAIS AU CANADA

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Une notice pour les Japonais du Canada

En 1942, le gouvernement de la Colombie- Britannique déporte vingt- trois mille canado- japonais dans des camps dans des régions éloignées. Leurs biens sont confisqués et leur vie dans les camps est misérable.

On se prépare à se serrer la ceinture en prévision de la famine qui s'en vient. Les maladies la torture physique et mentale, la mort serait plus facile à supporter.

Muriel Kitagawa

Depuis leur arrivée au Canada au siècle dernier, les Japonais, à l'instar des Chinois, ont été l'objet d'une hostilité raciale très forte. Les Canado-Japonais, qui vivent principalement en Colombie- Britannique, pêchent le long des côtes alors que d'autres s'adonnent à la culture d'arbres fruitiers et à plusieurs petits métiers. Travailleurs infatigables, ils dont souvent jalousés par les Blancs qui leur reprochent d'être des voleurs d'emplois.

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Les camps où étaient déportés les familles canado-japonaises étaient surpeplés, mais construits, peu isolés et peu chauffés. Uune cuisine communautaire dans le camp d’internement de Greenwood, en Colombie-Britannique

En 1903, le gouvernement de Colombie- Britannique les prive du droit de vote même s'ils paient des impôts comme les autres citoyens. Cette interdiction s'applique, à partir de 1920, au niveau fédéral. Le solliciteur de Colombie- Britannique explique :

Nul Oriental, qu'il soit hindou, japonais ou chinois n'acquiert l'électorat en ce pays par le seul fait qu'il en est citoyen.

Une délégation de Japonais ayant obtenu leur citoyenneté, se rend à Ottawa en 1936 pour rencontrer Mackenzie King et demander le droit de vote. Le Premier ministre répond qu'il ignorait que les Canadiens japonais voulaient avoir le droit de voter. Leur requête est refusée.

Pendant la Deuxième guerre mondiale, le Japon poursuit une politique expansionniste et envahit plusieurs pays en Asie. Le 7 décembre 1941, sa flotte d'avions attaque la base américaine de Pearl Harbour dans le Pacifique. Les États- Unis répondent à cet affront en déclarant la guerre au Japon. L'Île de Hong Kong est envahie à son tour et les soldats canadiens qui la protégeaient sont faits prisonniers. La crainte grandit au Canada à l'idée que l'armée nippone pourrait débarquer sur la côte Ouest.

Peu de temps après cette attaque, le gouvernement de Colombie- Britannique saisit les bateaux de pêche appartenant aux Japonais. Les imprimeries de journaux en japonais sont fermées. Le 14 janvier 1942, tous les hommes d'origine japonaise, âgés de 18 à 45 ans sont emprisonnés et amenés dans des camps situés dans des régions éloignées de la province. Le gouvernement ne veut plus voir un seul asiatique habiter près de la côte Ouest de peur qu'il soit un ennemi intérieur.

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En 1942, le gouvrernement canandien ordonne le déplacement de tous les Japonais en Colombie-Britannique, saisissant tous les biens qu'’ils ne peuvent emporter avec eux.

Six semaines plus tard, le 26 février, les vingt-deux mille Canadiens d'origine japonaise, surtout des femmes, des vieillards et des enfants, reçoivent l'ordre de quitter leurs maisons et leur travail, avec pour tout bagage une seule valise. Ils seront internés à leur tour dans des camps au nom de la sécurité nationale.

Chacun interné est fiché, photographié et obtient un numéro matricule. Des centaines de familles sont entassées pendant des mois dans des étables du parc Hastings de Vancouver avant d'être conduites dans des camps. La vie à Hastings Park est désespérante.

Des centaines de femmes et d'enfants furent entassés dans les étables. Les familles étaient isolées les unes des autres par des morceaux de tissu suspendus aux lits superposés. Les murs séparant les rangées de lits n'étaient que de cinq pieds de haut, une hauteur normale pour attacher les animaux.

Ils mènent une vie misérable de promiscuité et d'indigence.

Eiko dort dans une stalle qu'on a divisée.) Cette stalle abritait précédemment une paire d'étalons. Tout l'endroit est imprégné de l'odeur d'ancien fumier et de vers. Tous les deux jours, on asperge le sol de chlorure de chaux ou de quelque chose de semblable, mais on ne peut masquer les odeurs des chevaux, de vaches, de moutons et de cochons, de lapins et de chèvres. Les toilettes consistent simplement en un trou pratiqué dans une feuille de tôle et, jusqu'à maintenant, elles ne sont pas isolées et n'ont pas de siège) Eiko est vraiment malade. Cet endroit la rend malade. Il y a dix douches pour 1 500 femmes. Les hommes se laissent terriblement aller.

Des hommes sont envoyés dans des camps de travail, dans les mines à l'intérieur des terres. Des familles entières vont travaillées dans les champs au Manitoba et en Saskatchewan. Leurs conditions de vie sont extrêmes. Dans les camps, les bâtiments ne sont pas isolés, il fait très froid et la maladie frappe.

En 1943, l'infamie se poursuit. Le gouvernement confisque les biens des internés et les vend sans leur consentement. Terres, entreprises, véhicules, maisons, effets personnels, tout est liquidé à bas prix. La communauté japonaise de Colombie- Britannique devra recommencer à zéro après la guerre.

Lorsque la guerre se termine, les autorités les obligent les Canadiens d'origine japonaise à retourner au Japon ou aller s'installer dans les Rocheuses. Plus de dix mille quittent le Canada pour le Japon. Ceux qui restent entretiendront pendant longtemps un fort ressentiment envers le Canada.

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Emplacement de canadiens d’origine japonaise dans les camps d’internement à l’intérieur de la Colombie-Britannique.

Le Canada ferme ses portes

Je me sentais comme dans un autre monde, en entrant dans le camp de Dachau. Ce qu'on découvrait, c'était l'antisémitisme, mais surtout jusqu'où peut aller la chute dans la barbarie. Pas un accident de parcours. Une organisation systématique de la mort, une véritable industrie scientifique de l'extermination, un enfer fabriqué avec beaucoup de soins. On ne pouvait croire ce qu'on voyait. Il y avait des rumeurs sur ce qui se passaient dans ces camps. Et Hitler n'avait pas caché qu'il voulait appliquer la solution finale au problème juif. Mais tant que tu n'as pas vu ça de tes propres yeux, tu ne peux pas y croire.

René Lévesque, correspondant de guerre

Pendant que les Allemands soumettent les pays occupés à leurs diktats, ils forcent les juifs d’Europe de l’Est à vivre dans des guettos et les déportent par millions dans leurs camps de concentration. Tous les juifs qui le peuvent essaient de fuir la persécution nazie et les demandes d'asile au Canada grimpent en flèche dans que leu gouvernement leur prête une oreille attentive.

L’attitude du Premier ministre, Mackenzie King, face à la question de l'entrée des juifs au pays, reflète celle des Canadiens en général. King est conscient que l’arrivée de milliers de Juifs au Canada, dans une conjoncture économique de rareté d'emploi, jetterait de l’huile sur le feu et aggraverait encore davantage le racisme.

La Loi canadienne sur l’immigration est resserrée pendant la crise. Elle stipule qu’un immigrant qui est sans emploi rémunérateur peut être expulsé du pays, une disposition fort commode qui facilite l’expulsion des travailleurs étrangers. On estime que près de trente mille immigrants de plusieurs nationalités, dont les juifs, ont ainsi été forcés de quitter le Canada entre 1930 et 1935.

Pour les Juifs déjà établi au pays, l’antisémitisme de la société canadienne est une réalité. Cette discrimination parfois évidente, parfois dissimulée, se manifeste diversement. Par exemple, les Juifs ne peuvent s’inscrire à l’université ni dans des écoles de formation professionnelle et leurs magasins sont régulièrement la cible de vandales. En outre, on les présente toujours comme étant à la recherche de l'argent.

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Yuko Sato, petite fille d’origine japonaise déportée

Les Canadiens- français se méfient beaucoup des Juifs et craignent leur pouvoir économique. L’Église catholique et la petite bourgeoisie d’affaires lancent des campagnes d’achats chez nous. Sur la scène politique, le parti fasciste d’Adrien Arcand diffuse l’idéologie raciste et antisémite d’Hitler au Québec et rencontre de la sympathie.

Il faut dire que peu d’information circule ici sur le véritable sort véritable réservé aux Juifs par les nazis. On n’en saura pas grand-chose avant 1943. Par bribes, par déduction ou par hasard, quelques organismes finissent par en avoir un portrait assez clair.

Ce qu’ils apprennent de la vie quotidienne des Juifs dans les camps de concentration allemand est si odieux et si abominable, que plusieurs n’arrivent pas y croire. D’autres sont terriblement secoués, comme la sénatrice Cairine Wilson, membre du Comité national pour les réfugiés et les victimes de persécution politique. Selon elle, le Canada doit se faire un devoir d’accueillir ceux qui réussissent à fuir cet enfer.

À plusieurs reprises, elle rencontre Mackenzie King à ce sujet. Peine perdue, tout en se montrant sensible à leur cause, King ne veut rien changer. Même les enfants des juifs ne réussiront pas à entrer au pays. De tous les pays alliés, le Canada détient le triste record d'avoir admis le plus petit nombre de Juifs sur son territoire. À peine cinq cents d’entre eux peuvent venir au Canada alors que l’Holocauste tue plus de 5 millions de Juifs.

Ce n’est que lorsque les militaires canadiens libèrent les Pays- Bas et se battent à la frontière de l’Allemagne, qu’ils découvrent l’horreur absolue des camps de concentration et qu’ils rapportent au pays les terrible histoires des survivants de la Shoah.

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Déplacement des Japonais, même les japonais qui possèdent la citoyenneté canadienne sont déplacés en 1942

Les Japonais du Canada

Pendant la Deuxième guerre mondiale, les Canadiens d’origine japonaise qui vivent sur la côte ouest, en Colombie- Britannique, écopent du sentiment raciste et de la peur qui envahit sa population face à la menace d’une invasion du Canada par le Japon.

Poursuivant depuis 1931 son expansion en Chine et ailleurs dans la région, le Japon devient une menace dangereuse pour les Alliés après l’attaque de la base américaine de Pearl Harbor, dans le Pacifique, le 7 décembre 1941.

Les Canadiens de l’Ouest soupçonnent tous les Japonais, même ceux qui ont la citoyenneté canadienne, de collaborer en secret avec le gouvernement impérial de Tokyo pour préparer une invasion de la côte du Pacifique, d’être en quelque sorte « une cinquième colonne ».

Quelques jours après cette attaque, la compagnie de chemin de fer Canadian Pacifique remercie tous ses employés d’origine japonaise. Puis, c’est au tour des pêcheurs canado- japonais de se faire retirer leur permis de pêche et confisquer leurs bateaux par le gouvernement de la Colombie- britannique.

La haine des Canadiens de l’Ouest monte encore d’un cran lorsque les Japonais envahissent Hong Kong et capturent deux mille soldats canadiens qui protégeaient l’île. La crainte augmente encore lorsque la flotte nipponne s'avance dans les îles Aléoutiennes, au large de l’Alaska.

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Officier de la marine royale du Canada (MRC) en train d’interroger un pêcheur canadien d’origine japonaise et de confisquer son bateau.

Pour parer à toute éventualité, le gouvernement de la Colombie- Britannique ordonne, le 26 février 1942, que les milliers de Canadiens d'origine japonaise soient déportés dans des régions éloignées. Plus de vingt- trois mille Japonais seront déportés dans des camps loin de la côte entre 1941 et 1946.

Au moment où l'ordre de déportation est donné, les camps ne sont pas tous encore construits. Plusieurs milliers de familles sont entassées dans les étables du Parc Hastings de Vancouver, et patienter des mois dans cet endroit sale et puant, en attendant d’être « relocalisées » dans les camps.

En juillet 1943, succombant aux pressions politiques, le gouvernement de Colombie- Britannique met en vente les propriétés et les biens des Canadiens d'origine japonaise, effaçant ainsi toute trace de leur présence.

La guerre finie, le gouvernement canadiens les obligent à faire un choix déchirant : soit ils retournent vivre au Japon, ou soient ils vont s’établir dans les Montagnes Rocheuses. Près de 10 000 choisiront de retourner au Japon. Ce n’est qu’en 1949 qu‘ils recouvreront le droit de pouvoir s’établir n’importe où au Canada.

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Des enfants japonais, en route vers un camp d’internement, regardant par la vitre d’un train.

Canadiens d'origine japonaise

En 1877, Manzo Nagano, le premier immigrant japonais attesté, s'installe à Victoria, en Colombie-Britannique. Par la suite, vers 1914, on dénombre 10 000 Japonais établis définitivement au Canada. Le recensement de 2006 estime à 98 900 le nombre de Canadiens de souche japonaise, dont 56 470 indiqué une seule origine ethnique et à 42 430 de plus qui comptent des Japonais parmi leurs ancêtres (origines multiples). Historiquement, le passé des Japonais au Canada est marqué par la discrimination et les bouleversements, alors que leur présent est marqué par la réussite.

Immigration et peuplement

La première vague d'immigrants japonais, appelés Issei, arrive entre 1877 et 1928. Avant 1907, presque tous les immigrants sont de jeunes hommes. En 1907, le Canada insiste pour que le Japon limite l'immigration des hommes au pays à 400 par an. Il s'ensuit que la plupart des immigrants après cette date sont des femmes venues rejoindre leur mari. En 1928, le Canada réduit encore l'immigration japonaise à 150 personnes, quota qui est rarement atteint. En 1940, l'immigration japonaise s'interrompt complètement pour ne recommencer qu'en 1967.

Les Issei sont le plus souvent jeunes et instruits, originaires des villages agricoles ou des villages de pêche pauvres et surpeuplés des îles Kyushu et Honshu, dans le Sud du Japon. La plupart d'entre eux s'établissent soit à Vancouver ou à Victoria, ou dans les alentours, soit dans les fermes de la vallée du Fraser ou les villages de pêche et les petites villes de l'industrie papetière qui longent la côte du Pacifique. Quelques centaines se fixent aussi en Alberta, près de Lethbridge et d'Edmonton.

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Famille d’immigrants d’Okinawa et Japonais de Vancouver, Colombie-Britannique, en 1924

La culture de la seconde vague d'immigrants japonais, qui commence en 1967, est très différente de la culture paysanne des Issei d'avant la Première Guerre mondiale. Parmi ces immigrants récents très instruits, issus d'une classe moyenne urbaine et industrialisée, plusieurs pratiquent des arts japonais traditionnels qui ne sont plus connus des descendants des Issei, tels que les arts martiaux, le taiko, l'odori, l'origami et l'ikebana. Établis dans de nombreux centres urbains d'un bout à l'autre du Canada, ces nouveaux immigrants ont permis aux jeunes Canadiens d'origine japonaise d'apprendre les arts, l'artisanat et la langue de leurs ancêtres.

Discrimination

Dès le début, les Canadiens d'origine japonaise, qu'il s'agisse d'immigrants Issei ou de leurs enfants nés au Canada, appelés Nisei, font face à une discrimination massive. Jusqu'à la fin des années 40, les hommes politiques de la Colombie-Britannique cèdent aux tenants de la suprématie blanche et adoptent une série de lois destinées à forcer les Canadiens d'origine japonaise à quitter le Canada. Les Canadiens japonais sont privés du droit de vote, y compris les Nisei nés au Canada et les vétérans issei qui ont servi dans l'armée canadienne au cours de la Première Guerre mondiale. Il existe aussi des lois qui interdisent aux Canadiens d'origine japonaise d'exercer la plupart des professions libérales et de travailler dans la fonction publique et l'enseignement. D'autres lois sur le travail et le salaire minimum font en sorte que les Canadiens asiatiques ne peuvent être embauchés que pour des tâches subalternes, à un salaire inférieur à celui des Blancs.

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Un groupe d’hommes japonais. Ils sont devant une tente qui leurs sert d’abris.

Dans les années 20, le gouvernement fédéral tente d'exclure les Canadiens japonais de leur gagne-pain traditionnel, la pêche, en ne délivrant qu'un nombre restreint de permis. Au cours de la Crise des années 30, le gouvernement de la Colombie-Britannique leur refuse tout permis d'exploitation forestière et ne versent aux Canadiens japonais qu'une fraction de l'aide sociale accordée aux Blancs. Jusqu'en 1945, les Nisei n'ont pas le droit de s'engager dans les Forces armées canadiennes, car l'engagement confère le droit de vote à la fois au soldat et à son épouse. De tous les partis politiques, seule la CO-OPERATIVE COMMONWEALTH FEDERATION prône l'égalité de tous les Canadiens.

Développement de la communauté

Avant la Deuxième Guerre mondiale, les Canadiens de souche japonaise, exclus de la société canadienne en raison de la discrimination, se regroupent et créent leurs propres institutions sociales, religieuses et économiques. Sur la rue Powell à Vancouver, comme à Steveston, à Mission City et dans d'autres villages de la vallée du Fraser ainsi que dans des centres urbains côtiers, dont Powell River, Tofino et Prince Rupert, des Canadiens d'origine japonaise construisent des églises chrétiennes, des temples bouddhistes ou shintô, des écoles de langue japonaise et des centres communautaires ainsi que des hôpitaux dont les médecins et infirmières sont des Japonais formés aux États-Unis ou au Japon. Ils créent des associations coopératives pour la vente des produits de l'agriculture et de la pêche et des associations communautaires et culturelles pour l'entraide et les activités sociales. En 1941, on compte plus de 100 clubs et organisations au sein d'une communauté très unie de 23 000 personnes, dont la moitié est des enfants.

Jusqu'aux années 50, la discrimination empêche les Nisei de trouver du travail en dehors de la communauté japonaise. Pourtant, les Nisei des années 30, qui ont acquis une bonne maîtrise de l'anglais et une réputation de bons élèves et de travailleurs infatigables, ne demandent pas mieux que de contribuer à la société canadienne. À cause de la discrimination, cependant, même les universitaires doués, comme Thomas K. Shoyama, sont obligés de chercher du travail au sein de la communauté japonaise, car en dehors de celle-ci, ils ne peuvent travailler que comme ouvriers.

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Camp d’internement pour les canadiens japonais en juin 1945

 La Deuxième Guerre mondiale

Cette guerre détruit la communauté japonaise de la Colombie-Britannique. Douze semaines après le 7 décembre 1941, date de l'offensive japonaise contre Pearl Harbor et Hong-Kong, le gouvernement fédéral, poussé par des hommes politiques racistes de la Colombie-Britannique, se sert de la Loi des mesures de guerres pour ordonner le déplacement de tous les Canadiens d'origine japonaise résidant à moins de 100 miles (160 km) de la côte du Pacifique. À l'époque, le gouvernement soutient que cette mesure est dans l'intérêt de la sécurité nationale, malgré l'opposition du haut commandement militaire et des officiers de police, selon lesquels les Canadiens japonais ne représentent aucun danger pour la sécurité du Canada.

C'est ainsi qu'en 1942, 20 881 hommes, femmes et enfants de souche japonaise, dont 75 p. 100 ont la nationalité canadienne, sont expulsés de leur foyer et envoyés dans un camp temporaire au Pacific National Exhibition Grounds, à Vancouver, avant de se retrouver dans des camps de détention en Colombie-Britannique ou dans des fermes maraîchères en Alberta et au Manitoba. Entre 1943 et 1946, le gouvernement fédéral liquide toutes les propriétés des Canadiens d'origine japonaise (maisons, fermes, bateaux de pêche, entreprises et biens personnels) en déduisant des recettes toute prestation sociale touchée par les propriétaires pendant le chômage forcé dans les camps de détention. En 1945, les Canadiens d'origine japonaise sont obligés de choisir entre la déportation vers un Japon ravagé par la guerre ou la dispersion à l'est des Rocheuses. La plupart d'entre eux choisissent cette deuxième possibilité et déménagent en Ontario, au Québec ou dans les Prairies. En 1946, le gouvernement essaie de déporter 10 000 Canadiens japonais au Japon, mais revient sur sa décision à la suite de la protestation massive de la population canadienne. Le 1er avril 1949, les Canadiens japonais retrouvent leur liberté et obtiennent le droit de vote.

La communauté d'après-guerre

Au cours des années 50, les Canadiens japonais refont leur vie en consacrant leurs énergies au travail et aux études, mais comme ils sont dispersés à travers le Canada, ils ne peuvent reconstruire la communauté. L'essor économique de l'après-guerre et le rejet du racisme en tant que stratégie politique par la société canadienne leur ouvrent de nouvelles perspectives. Ils entrent rapidement dans la classe moyenne urbaine et suburbaine.

La troisième génération, les Sansei, née dans les années 50 et dans les années 60, grandit entièrement immergée dans la société canadienne. Les vestiges de la communauté japonaise d'avant-guerre subsistent uniquement grâce à deux journaux et à une poignée d'églises, de temples et d'associations communautaires dans les grandes villes. Les Sansei, qui constituent une population éparse, privés de contact avec d'autres Japonais pendant l'enfance, parlent anglais ou français, mais peu ou pas le japonais et connaissent mal leur patrimoine culturel. En tant que groupe, ils sont plus instruits que leurs homologues de race blanche et on les retrouve en proportion élevée dans les universités, les professions libérales et les arts. La meilleure illustration des changements survenus depuis la Deuxième Guerre mondiale, c'est peut-être le fait que plus de 75 p. 100 des Sansei épousent des non-Japonais.

Réparation

Vers la fin des années 70 et dans les années 80, la réparation des abus subis aux mains d'hommes politiques racistes pendant la Deuxième Guerre mondiale constitue une question de fond qui divise les Canadiens japonais, avant de les unir en fin de compte. Armée de récits nouvellement publiés des expériences de guerre, basés sur des documents officiels enfin rendus publics au bout de 30 ans, la National Association of Japanese Canadians (NAJC) cherche à convaincre le gouvernement fédéral de reconnaître les torts commis pendant la guerre, de négocier la réparation pour les personnes lésées et, surtout, d'amender les lois canadiennes de manière à empêcher que d'autres Canadiens subissent les mêmes abus.

Au début, cette campagne sème la division parmi les Canadiens d'origine japonaise. Un groupe basé à Toronto veut accepter un paiement symbolique de six millions de dollars offert par le gouvernement Mulroney. Les membres du groupe considèrent cette proposition de règlement comme une solution réaliste du point de vue politique et craignent des représailles contre les Canadiens de souche japonaise s'ils osent en demander plus. Un second groupe, dirigé par le président de la NAJC, Art Miki, voit cette offre comme le prolongement de l'attitude de l'époque de la guerre, selon laquelle les Canadiens japonais peuvent être traités comme un groupe faible et amorphe auquel on peut imposer un règlement.

Pour les dirigeants de la NAJC, un processus de négociation en bonne et due forme est aussi important que la réparation elle-même. Ils veulent un règlement négocié et non imposé et une compensation monétaire des torts infligés aux personnes concernées. Entre 1984 et 1988, la NAJC organise des séminaires, des réunions informelles et des conférences.

Elle milite et présente des pétitions auprès du gouvernement et des groupes de défense des droits de la personne, des droits ethniques et des droits en matière de religion. En outre, elle rédige et fait distribuer des études et des communiqués de presse pour informer la classe politique, les Canadiens japonais et le grand public. L'une de ces études démontre que les pertes économiques dues à la confiscation de biens pendant de la guerre s'élèvent à 443 millions de dollars (en dollars de 1986). En 1986, les sondages indiquent que 63 p. 100 des Canadiens sont en faveur de la réparation et que 45 p. 100 appuient la compensation individuelle.

En 1988, face au grand mouvement de l'opinion publique en faveur de la réparation, le gouvernement accepte de négocier avec la NAJC. En juillet 1988, la Loi des mesures de guerre est abolie et remplacée par la Loi sur les mesures d'urgence. Celle-ci interdit les mesures d'urgence de nature discriminatoire, permet au Parlement d'annuler les mesures d'urgence commandées par le gouvernement, exige une enquête sur les actions du gouvernement après toute intervention en situation d'urgence et prévoit la compensation des victimes de mesures gouvernementales.

Enfin, le 22 septembre 1988, le premier ministre Brian Mulroney reconnaît les torts du gouvernement au temps de la guerre et annonce une compensation de 21 000 dollars pour chaque personne directement lésée et la création d'une caisse de bienfaisance pour reconstruire l'infrastructure de la communauté. Il accorde le pardon à toute personne condamnée à tort pour avoir contrevenu aux ordres dans le cadre de la Loi sur les mesures de guerre, octroie la nationalité canadienne aux personnes déportées à tort au Japon et à leurs descendants et prévoit le financement d'une fondation canadienne des relations raciales. Depuis 1988, 16 000 personnes ont réclamé la compensation, des centres communautaires ont été construits dans la plupart des villes importantes entre Victoria et Montréal, et la Japanese Canadian Redress Foundation a financé une variété de projets, programmes et conférences portant sur la culture, l'éducation et les droits humains.

Parmi les Canadiens japonais les plus connus figurent la romancière Joy KOGAWA, le scientifique David SUZUKI, le fonctionnaire Thomas Shoyama, l'architecte Raymond MORIYAMA, le militant social Art Miki, le judoka Mas Takahashi, les artistes T. Tanabe et Miyuki Tanobe et l'agronome Zenichi Shimbashi.



06/10/2013
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